The Comparative Literature Undergraduate Journal

A Premier Humanities Research Journal at the University of California, Berkeley

L’originalité chez Marie de Gournay

Charlotte Greenbaum

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Introduction

La conception de l’auteur de l’originalité de son texte est quelque chose qui distingue les textes des époques différentes et montre l’évolution de la littérature. Au 16e siècle, et au début du 17e siècle, les auteurs les plus prestigieux imitaient des auteurs précédents et écrivaient avec beaucoup de répétition. Cependant, Marie de Gournay semble être une exception à cette règle. Cette dissertation examinera pourquoi Marie de Gournay se sent un besoin de défendre l’originalité de son œuvre dans le « Discours sur ce livre à Sophrosine » à une époque où l’imitation était à la fondation de tous les textes. On examinera ce qu’elle veut dire par le mot « original » et ce qui rend sa préface originale elle-même. De plus, on verra comment cette originalité dans la préface se présente dans le reste de l’œuvre et comment elle représente une transformation plus large de la fin de la Renaissance. Aussi, pour avoir un concept complet de l’originalité chez Marie de Gournay, il faut analyser les influences sur sa propre vie qui l’a conduite vers cette œuvre originale.

Les écrivaines femmes « typiques » de l’époque

La prévalence de l’imitation des textes anciens et « modernes » (pour le 16e siècle) est montré dans plusieurs auteurs femmes de l’époque. Par exemple, Pernette de Guillet imite Maurice Scève et d’autres poètes dans ses poèmes et n’a aucun souci au sujet de l’originalité. Par exemple, dans le dizain 136 de Maurice Scève, il écrit « L’heur de nostre heur enflambant le desire/Unit double ame en un mesme pouoir. »[1] Puis, dans l’épigram 13 de Pernette de Guillet, elle écrit « l’heur de mon mal, enflammant le desir/Feit distillerdeux cueurs en un debuoir. »[2] La ressemblance de ces deux poèmes élimine tout doute que Pernette de Guillet a utilisé le poème de Scève en écrivant le sien. Elle dit qu’en écrivant elle n’y cherchait « autre chose qu’un honnête passe-temps et moyen de fuir l’oisiveté » (95).[3] En conduisant les femmes d’écrire elles-mêmes, elle insiste beaucoup plus sur l’acte d’écrire que sur l’importance de ce que l’on écrit. Aussi, les Dames des Roches écrivent des choses originales et féministes, mais ne parlent pas de l’originalité et ne semblent avoir aucun souci au sujet de l’originalité de leurs œuvres non plus. C’est montré quand Catherine des Roches répond à ceux qui ont dit qu’elle ne devait pas avoir écrit et dit « j’ay tousjours desiré d’estre du nombre de peu » (84).[4] À la première vue, cette citation paraît dire que Catherine aussi veut être « original, » mais la différence c’est que Catherine parle de la qualité unique d’elle-même et pas de la matière de son œuvre. Cette différence est essentiale pour voir le point de départ de Marie de Gournay des autres écrivaines femmes de l’époque qui n’osent pas de dire qu’elles ont quelque chose de nouveau à raconter au monde et que c’est cette chose qui rend leur œuvre importante.

Marie de Gournay et l’Originalité de la Préface

La conception de l’originalité chez Marie de Gournay se trouve surtout dans la préface à son œuvre «Discours sur ce livre : À Sophrosine ». Dans cette préface elle soutient que ce qu’elle a écrit est authentique, unique et nouveau et mérite d’être reconnu comme un Livre Original. Quand elle écrit « il faut voir en premier lieu s’il a quelque grosseur qui puisse ayder à luy donner du poids, & secondement, s’il se pare de cette qualité qui proprement le fait Livre, de se pouvoir nommer Original, » Marie de Gournay nous montre l’importance qu’elle met sur l’originalité d’un livre.[5] En contraste avec tous les auteurs avant elle, elle préfère un livre différent de tous les autres qu’un qui se justifie à travers l’imitation d’un autre. Plus tard, elle décrit ce qu’elle veut dire par le mot « original » en disant « Pour faire qu’une Oeuure merite ce nom de Livre, il faut qu’elle apporte au Public des biens propres & nouveaux, nez en l’esprit de leur Autheur. »[6]  C’est cette phrase qui rend plus apparent ce que Marie de Gournay signifie lorsqu’elle parle de la littérature originale. Elle ne parle pas d’un texte qui n’a pas encore été copié ni d’une littérature qu’elle utilise comme modèle pour sa propre écriture. Elle parle de l’ingénuité des idées et d’un avancement de pensée dans la société qui se présente dans la littérature. Ce qui est important est l’idée que cette ingénuité vient de l’auteur du texte.

Le mot original au 16e siècle et au début de 17e siècle.

Pour comprendre l’originalité de Marie de Gournay, il faut comprendre l’originalité de la Renaissance. Le mot « original » n’avait pas le même sens au début du 17e siècle qu’aujourd’hui. Dans le dictionnaire Estienne de 1549, l’entrée sur « l’original » dit

« Archetypus, vel Archetypum

L’original du testament

Collationner une copie à son original

Copie collationnée a l’original… »[7]

Les parties effacées sont les mêmes définitions en latin. Ce qui reste nous permet de voir que l’usage du mot « original » au 16e siècle n’était pas du tout le même que l’usage aujourd’hui. Il n’y a pas aucun définition qui décrit l’importance de quelque chose de nouveau dans la conception de l’originalité. A-t-elle changé entre 1549 et 1641 telle que l’usage du mot « original » dans la préface de Marie de Gournay signifie la définition moderne d’originalité ? Le dictionnaire Nicot de 1606 donne la même définition que celle de Estienne de 1549.[8] Puis, en 1611, le dictionnaire Cotgrave donne cette définition du mot original «  An originall; the first authentick, or true draught of a writing. »[9] Bien encore, cette définition met l’emphase sur la nouveauté physiquement d’un texte et pas sur la nouveauté d’une pensée que l’on attend aujourd’hui. Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, à la fin du 16e siècle, le mot original avait toujours une définition centrée sur l’idée d’un manuscrit copié ou original, comme le mot est utilisé dans le texte « Satyre Ménippée » en 1593.[10] Dans les dictionnaires sur la base de données « Dictionnaires des 16e et 17e siècles » de Classiques Garnier Numérique, il n’y en a pas même un qui a une entrée pour le mot « originalité ».[11] Pour avoir le mot « originalité, » il faut avoir une conception plus abstrait du mot « original. » Sinon, il n’y a aucun usage pour le mot « originalité. » Cela montre que le sens du mot « original » dans la littérature et dans les dictionnaires restait au niveau littéral et physique jusqu’à la fin du 16e siècle.

Original v. Originel

Une autre possibilité que j’ai cherchée, c’est que l’adjective original dont je parle était originalement écrite « originel ». Cependant, dans les dictionnaires que j’ai cherché,  la différence entre original et originel était très clair. Le mot original concerne ce dont je viens de parler (le modèle des copie des documents, des auteurs et des artistes) lorsque le mot originel concerne surtout le début du genre humain avec Adam et Eve. Les dictionnaires expliquent que le mot est utilisé presque toujours dans les phrases « justice originelle », « grâce originelle » et « péché originelle ».[12] Alors, la manque d’une définition qui explique l’essence unique du mot original n’est pas expliqué par une écriture différente. Les mots « original » et « originel » sont deux mots distincts. L’explication qui reste, c’est que le sens du mot lui-même a changé comme les dictionnaires le démontrent.

La définition moderne

Le mot a obtenu une définition de quelque chose d’unique envers 1662 avec les Pensées de Pascal. Le premier dictionnaire qui donne un sens plus moderne au mot est le Dictionnaire universal de 1690. Dans l’entrée pour « original », il se dit « ce qui est fait le premier dans le dessin, la composition, ou l’invention de quelque chose, ce qui sert aux autres de modèle pour l’imiter, pour le copier. »[13] C’est la première définition qui fait élargir le sens du mot original d’un document ou une œuvre d’art qui n’a pas été copié(e) physiquement à une idée ou une invention qui n’a jamais été réalisée. On voit cette transformation aussi dans le dictionnaire de l’Académie Française en 1694 et l’entrée pour le mot original dedans avec la phrase « On dit fig. d’Un Autheur qui excelle en quelque chose sans estre formé sur aucun modèle ».[14]  Cette définition marque  l’essence du mot « original » qui était absente dans les dictionnaires auparavant. Avant les définitions de ces deux dictionnaires, le mot « original » avait un sens plus littéral de quelque chose qui peut être physiquement copié, comme on transcrit un manuscrit ou utilise un modèle pour une sculpture. Maintenant, on peut dire que l’idée ou la matière d’un livre est en elle-même originale. C’est une expansion graduelle du sens du mot, mais c’est une expansion très importante qui influence la littérature du 17e siècle.

L’origine de l’originalité

Comme David Quint explique dans son œuvre Origin and Originality in Renaissance Literature : Versions of the Source « …a shift in literary values had taken place by the end of the Renaissance, so that the writer’s originality would replace a transcendent allegorical origin as the literary text’s principal criterion of worth » (x).[15] Cette idée d’élévation de l’importance de l’originalité dans la littérature correspond bien avec ce qui a été discuté sur les dictionnaires du 17e siècle. Quint soutient que les auteurs à la fin de la Renaissance ont du mettre plus d’emphase sur l’originalité de leurs textes pour avoir la même valeur littéraire que les textes d’imitation avaient à l’époque précédente. Il dit aussi « For all the appearance it may lend to work of art at escaping the relativity of human history, originality is itself a relative quality » (5).[16] Cette phrase nous permet de comprendre la raison pour laquelle la conception de l’originalité était si nouvelle à la fin de la Renaissance. Au temps modernes, l’originalité est vue comme une chose très désirable et importante, lorsqu’à l’époque de Marie de Gournay, c’était surtout l’imitation qui compte. Cette distinction caractérise la tension dans la préface de Marie de Gournay. En fait, on peut voit que Marie de Gournay elle-même se rend compte la relativité de l’originalité dans la phrase « J’appelle Livre Original, non pas celuy qui l’est entierement, pource qu’il ne s’en touueroit presque point de cette parque, mais bien, celuy qui l’est pour la plupart de son estenduë. »  En qualifiant sa condition pour livre d’être titré original, elle démontre sa lutte contre une société basée sur  l’imitation et l’autorité des figures anciens, telles que Artistote et Socrate.

Cette idée de l’origine de l’originalité est aussi présente dans d’autres types de littérature pendant la fin de la Renaissance.  Dans l’article « Le ‘test philologique’ de l’homme nouveau » du livre L’Époque de la Renaissance 1400-1600, André Stegmann décrit cette nouvelle originalité en tant qu’elle est représentée dans les traités de Platina et Palmieri. Dans la phrase « Mais les traités transcendent les exemples antiques en créant le type nouveau de l’humaniste…Celui-ce analyse critiquement les cadres du pouvoir, les institutions… » il montre que mêmes si les nouveaux textes parle des textes anciens et y prennent des idées, le motif est différent et les auteurs ne font pas une imitation, mais plutôt une analyse.[17] Les auteurs utilisent les textes anciens pour s’aider à faire une analyse compréhensive d’un aspect de la société de la Renaissance.

La transformation et le commencement de l’originalité sont aussi liés à la désacralisation de la littérature. David Quint explique encore « this desacralization of tradition makes possible the appreciation of a purely literary originality » (213).[18] En comparaison aux autres auteurs femmes de la Renaissance, Marie de Gournay est plus séculaire et n’invoque pas des symboles sacrés. C’est aussi une partie de la transformation qui laisse les auteurs libres de valoriser l’originalité. Lorsque Louise Labé parle de l’harmonie des planètes et du ciel parfait, Marie de Gournay parle des abstractions séculaires comme « l’égalité, »  « le Livre original, » et « le langage. »[19] [20] Ce que Quint montre, ce que en parlant des choses non religieuses, les auteurs à la fin de la Renaissance ont trouvé une nouvelle liberté de créer leurs propres idées et de s’exprimer uniquement. Comme Quint dit « Seeking authorizing origins in the past, Renaissance culture encountered its own human historicity. The consequences of this discovery were felt with a special force in its literature » (219).[21]  À travers cette citation, on voit la grand influence que ce petit mot « original » a eu sur la société littéraire à la fin de la Renaissance et comment ce mot a changé la conception et les pratiques dans la littérature.

Les  mots et l’action

On a vu que Marie de Gournay parle beaucoup de l’écriture « originale », mais comment représente-t-elle cette écriture dans son œuvre en entier? Est-elle fidèle aux idées qu’elle représente dans sa préface? Cette tension conduit à la question de saisir si Marie de Gournay a vraiment changé le discours féministe du 16e et du 17e siècle dans une direction originale ou si elle a seulement présenté les mêmes idées dans un façon un peu différente. Pour savoir le réponse, il faut chercher exactement ce que Marie de Gournay veut dire lorsqu’elle décrit son propre œuvre et ses idées comme quelque chose d’original. Pour regarder cette question en plus de détails, il suffit d’analyser quelques uns de ses essais. Par exemple, en regardant seulement les titres comme « Des Vertus vicieuses » et « Si la vengeance est licite », les lecteurs se rendent compte qu’elle en fait traite des idées très nouvelles. De plus, dans l’essai « Égalité des hommes et des femmes », Marie de Gournay présente l’essai comme un étude nouveau qui cherche l’égalité entre les sexes et pas la supériorité des femmes comme les autres « féministes » de l’époque.[22]

Pourtant, il y a une qualification à cette originalité qu’elle se donne. Même quand elle est très originale à la surface, elle continue à utiliser les mêmes types d’arguments que d’autres femmes et d’autres auteurs utilisaient à l’époque. Par exemple, en continuant avec « Égalité des hommes et des femmes, » Marie de Gournay parle de l’argument de Platon et Aristote et écrit « [Platon et Aristote] Les [les femmes] maintiennent de plus, avoir suprassé maintefois tous les hommes de leur Patrie : comme en effect elles ont inventé partie des plus beaux Arts, mesmement les caractères Latins » (60).[23] À travers cette phrase, Marie de Gournay se contredit et décrit la supériorité des femmes lorsqu’elle nous a dit qu’elle cherchait seulement la vraie égalité entre les sexes, qui est l’argument de Marie de Romieu dans « De l’excellence des femmes, » et d’autres femmes de l’époque.

Par contre, dans l’essai « Du Langage François, » Marie de Gournay emploie encore un argument original pour l’enrichissement du vocabulaire. En référant à une figure estimée d’une nouvelle façon, elle dit « Le cardinal du Perron n’avait-il pas découvert qu’originellement les François ne disposaient que deux cent mots? » (81).[24] Dans cette citation, Marie de Gournay prend l’origine de la langue française pour justifier son enrichissement, montrant la dualité de la tradition et l’originalité. Dans cet essai et partout dans son œuvre, elle utilise un vocabulaire varié, ce qui est de très mauvaise forme a l’époque, et démontre qu’elle fait ce qu’elle écrit et qu’elle est vraie à son éloge d’un vocabulaire varié.

Dans le livre L’Ombre discourante de Marie de Gournay, Anna lia Franchetti dit « L’Ombre représente donc le point de charnière, la première construction d’une œuvre qui, page après page, dessine le portrait d’un scripteur en mouvement qui crée et se crée en écrivant… » (16).[25] Cette phrase dit bien clairement dans quel sens la création de l’œuvre de Gournay était originale en elle-même. C’est en créant continuellement son propre portait dans son œuvre qu’elle fait quelque chose de nouveau et différent des autres auteurs qui parlent d’eux-mêmes seulement dans la préface. L’autre chose qui rend l’œuvre de Gournay unique est qu’elle a publié trois versions différents de l’Ombre dont elle change le titre au Les Avis ou Le Presens de la Demoiselle de Gournay. En publiant trois versions différents son œuvre, elle est plus originale parce que elle montre l’évolution de ses idées et comment on peut formuler et développer des idées personnelles.

Son langage

Le langage de Marie de Gournay a une grande influence sur son usage du mot « original ». De plus, elle crée un argument dans sa préface défendant son usage d’un langage varié, qui était méprisé par les jeunes à l’époque. Les jeunes gens voulaient utiliser des mots précis avec peu de variation et croyaient que l’écriture doit être réglée avec une structure fixe.[26] Il se peut que cette différence explique pourquoi Marie de Gournay utilise le mot « original » lorsque les autres ne l’utilisent pas. Dans ce cas, le mot « original » démontrerait simplement le langage « original » de Gournay et la différence stylistique entre elles et les autres écrivaines féminines qui la précédait.

Même Montaigne était plus sensible au style de l’époque et ne voulait pas utiliser ce mot maladroit.[27] Si on cherche dans le langage de Montaigne, pourtant, on peut voir qu’il décrit une type de nouveauté que l’on peut lier à l’originalité. Dans sa préface aux lecteurs, en parlant de son œuvre, il dit, d’une manière très originale, « Si c’eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me presenterois en une marche estudiée. Je veus qu’in m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contradiction. »[28] Cependant, en disant ces mots, il n’est plus ordinaire et est en fait très original. Pourquoi ne se présente-il pas comme quelqu’un avec de nouvelles idées pas encore connues par la société? C’est surtout à cause de la définition du mot « original » à l’époque et non pas à cause du fait que Montaigne est moins original que Marie de Gournay ou qu’il préfère l’imitation à la littérature originale. Montaigne a écrit les Essais environ trente ans avant l’œuvre de Marie de Gournay. Alors, même dans ces trente ans, la définition du mot a changé significativement.

La poésie en contraste avec la prose

Est-ce que cette différence reflète seulement la différence entre la prose et le vers? Même si Louise Labé et les Dames des Roches écrivent en vers en imitant Ronsard et d’autres poètes, Marie de Gournay écrit des essais en prose en imitant Montaigne.[29] Pourtant, il est vrai que la poésie a pour but d’écrire quelque chose d’artistique ou d’émotionnel en utilisant une structure déjà donnée. À cette époque, la poésie consistait en une forme très spécifique.[30] La chose la plus respectée était de suivre dans les sonnets l’exemple du pétrarquisme, qui, en plus d’une structure, traite des thèmes spécifiques aussi, notamment la souffrance pour l’amour et l’absence de l’amant.[31] Louise Labé en est un exemple. Dans ses sonnets, qui étaient en fait tout à fait originaux au 16e siècle, elle parle constamment de la souffrance qu’elle éprouve en l’absence de son amant. Par exemple, dans sonnet XXII des Œuvres de Louise Labé, Lyonnaise, Labé parle de l’harmonie des planètes et dit

« Mais, s’ils avaient ce qu’ils aiment lointain,

Leur harmonie et ordre irrévocable

Se tournerait en erreur variable,

Et comme moi travailleraient en vain. »[32]

Dans ses vers, on peut voir que Labé prend l’idée du pétrarquisme et le rend féministe en parlant de l’absence de son amant. Pourtant, c’est toujours un type d’imitation de Pétrarque. Il y avait des poètes qui se distinguaient du pétrarquisme à l’époque, mais en écrivant la poésie, ils suivent souvent les règles du sonnet quand même. Ronard, par exemple, commence un sonnet dans une manière pétrarquiste et puis  De plus, Ronsard lui-même a des thèmes pétrarquistes dans ses sonnets. Il parle souvent de la souffrance pour l’amour. Par exemple, dans sonnet XLVI,  Ronsard décrit l’angoisse qu’il preuve pour son amour de Cassandre et dit

« Je veux mourir pour tes beautés, Maitresse

Pour ce bel œil qui me prit à son hain. ».[33]

À travers ces vers, ou il parle de son impuissance  et le fait qu’il veut mourir pour l’amour, Ronsard montre qu’il a toujours un côté pétrarquiste qu’il a du mal à quitter. La leçon, c’est qu’il était impossible de faire la poésie originale et essentiellement nouvelle sans un poète extrêmement radicale. Même si la prose était aussi très structurée, ce n’était pas aussi réglée que la poésie et les sonnets, et alors c’était plus facile d’y faire de grands changements.

Marie de Gournay et Montaigne

Une autre possibilité est que Marie de Gournay veut utiliser cet argument de l’originalité dans son œuvre pour se protéger contre des critiques que disent qu’elle imite trop Montaigne, parce que c’est évident qu’elle a écrit ses œuvres après avoir été inspirée par Les Essais de Montaigne. C’est clair que Montaigne était l’inspiration pour Marie de Gournay d’écrire. Il lui a donné la structure de l’essai qu’elle a continué à utiliser tout à travers son livre. Il se peut aussi que Montaigne lui a donné sa conception de l’originalité. Comme Giovanna Devincenzo décrit dans Marie de Gournay : Un cas littéraire, « Ce qui est sur c’est que la ‘fille d’alliance’ a bien entrevu l’originalité des Essais, surtout du troisième Livre » (185).[34] Cette citation indique que Marie de Gournay a reconnu qu’il y avait quelque chose d’unique dans les Essais qui vient de Montaigne lui-même. Inspirée par cette idée que les auteurs de son époque pouvaient penser pour eux-mêmes, elle commence sa carrière comme écrivain original avec des nouvelles idées qu’elle vise à partager avec tout le monde.[35] Par cela, on peut voir que l’idée de l’originalité chez Marie de Gournay est inspirée par Montaigne et ses œuvres et n’est pas du tout une réaction contre lui ou Les Essais ni un moyen de s’avancer en mettant plus de distance entre elle et Montaigne.

Sa classe sociale

Aussi, c’est probable que sa conception de l’originalité est influencée par sa classe sociale, parce que contrairement à presque toutes d’autres femmes écrivains, elle est pauvre. Alors, son statut social en lui-même rend son œuvre originale. À cause du fait que tout les autres auteurs, et surtout les écrivaines femmes, étaient riches, ils connaissaient la politesse et comment agir dans la société littéraire. C’est certainement vrai pour les écrivaines comme Marguerite de Navarre, Louise Labé et mêmes les Dames des Roches. À cette époque, cette connaissance conduit les autres auteurs de reconnaître les influences sur leurs œuvres de l’antiquité et d’avouer ouvertement l’imitation de son langage et son style d’écrire. Ils faisaient constamment de références aux personnages de l’antiquité et aux autres personnes qui les ont inspirés. C’était nécessaire pour être respecté dans la haute société du 16e et du 17e siècle.[36]  Si on était né d’une bonne famille, ces choses sont venues facilement. Pourtant, pour les familles qui ne peuvent guère se soutenir, comme celle de Marie de Gournay, ces choses ne sont jamais apprises aux enfants. Pour cette raison, Marie de Gournay ne sait pas les exigences pour être « suave » et « éloquente » selon les attentes de la bourgeoisie et la noblesse. Par conséquent, il est possible qu’elle ne voie pas les dangers en se déclarant unique et sans une figure d’antiquité d’imiter. Alors, on peut dire que c’était sa classe sociale qui la rendue capable d’agir et d’écrire contrairement à touts exigences. Elle n’a rien à perdre et tout à gagner en écrivant, ce qui diminue les inhibitions de Marie de Gournay et  la conduit à son livre louant l’originalité dans la littérature.[37]

Conclusion

Quelle que soit la raison, elle insiste qu’elle veut écrire quelque chose d’une « certaine grosseur » pour que l’œuvre puisse être « originale ». Pour répondre à cette question de pourquoi, il faut comprendre que le sens du mot « original » était en train de changer au début du 17e siècle et Marie de Gournay était une des premières de l’utiliser dans son sens moderne. L’originalité pour Marie de Gournay est quelque chose qui donne quelque chose de bien au public. Puis, on peut comparer sa conception de l’écriture féminine originale avec celles de Louise Labé et les Dames des Roches dans leurs préfaces et essais. En bref, l’œuvre de Marie de Gournay est unique dans le fait qu’elle crée son propre portrait et qu’elle explique l’originalité de son propre œuvre aussi. Elle est un exemple des écrivains de la Renaissance qui font partie de la transformation de l’importance d’imitation à l’importance de l’originalité et la nouveauté des idées. Il y a quelques indications qui nous aident à comprendre pourquoi Marie de Gournay était si unique en sa conception de l’originalité aussi. C’est ici que l’on peut voir l’influence de son genre d’écriture, sa relation avec Montaigne, et sa classe sociale sur l’importance qu’elle met dans l’originalité d’un œuvre littéraire. Pour elle, on peut dire que l’originalité fonctionne comme un moyen d’enfreindre toutes les règles. Elle change les règles de langage et de style et utilise un vocabulaire et un style très varié et inacceptable à l’époque. En refusant de se marier, Marie de Gournay agit contre les règles de la société aussi parce que c’était déshonorable pour une femme de vivre toute seule sans un mari mais elle le fait quand même. De plus, en publiant Les Avis ou Les Presens de la Damoiselle de Gournay, elle enfreint complètement le règle qui interdit les femmes pauvres d’écrire et surtout d’écrire quelque chose d’original. En enfreignant tous ces règles de la société, Marie de Gournay trouve une liberté qui la permet d’utiliser l’originalité et crée un espace pour elle-même dans la littérature de la fin de la Renaissance.


[1] “La Poésie Amoureuse: Maurice Scève, Délie.” Histoire Littéraire Moyen-Age Et 16ème. Web. 11 Dec. 2011. <http://www.lettres-et-arts.net/histoire_litteraire_moyen-age_16_eme_siecle/24-la_poesie_amoureuse_maurice_sceve_delie&gt;.

[2] Labe, Louise, Françoise Charpentier, and Pernette Du Guillet. Oeuvres Poetiques. Paris: Gallimard, 1983. Print.

[3] Labe, Louise, Françoise Charpentier, and Pernette Du Guillet. Oeuvres Poetiques. Paris: Gallimard, 1983. Print.

[4] Madeleine des Roches and Catherine des Roches Fredonnoit. From Mother and Daughter. Poems, Dialogues, and Letters of Les Dames des Roches. Ed. and trans. Anne R. Larsen. Bilingual ed. Chicago: U of Chicago P, 2006.

[5] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[6] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[7] “Dictionnaires D’autrefois: Public Version.” Analyse Et Traitement Informatique De La Langue Française. Web. 10 Dec. 2011. <http://artflx.uchicago.edu/cgi-bin/dicos/pubdico1look.pl?strippedhw=original&gt;.

[8] “Classiques Garnier Numérique.” Classiques Garnier. Web. 10 Dec. 2011. <http://www.classiques-garnier.com/numerique-bases/index.php?module=App&gt;.

[9] “Classiques Garnier Numérique.” Classiques Garnier. Web. 10 Dec. 2011. <http://www.classiques-garnier.com/numerique-bases/index.php?module=App&gt;.

[10] “ORIGINAL : Etymologie De ORIGINAL.” Centre National De Ressources Textuelles Et Lexicales. Web. 11 Dec. 2011. <http://www.cnrtl.fr/etymologie/original//1&gt;.

[11] “Classiques Garnier Numérique.” Classiques Garnier. Web. 10 Dec. 2011. <http://www.classiques-garnier.com/numerique-bases/index.php?module=App&gt;.

[12] “Dictionnaires D’autrefois: Public Version.” Analyse Et Traitement Informatique De La Langue Française. Web. 10 Dec. 2011. <http://artflx.uchicago.edu/cgi-bin/dicos/pubdico1look.pl?strippedhw=original&gt;.

[13] Furetière, Antoine, and Pierre Bayle. Dictionaire Universel, Contenant Généralement Tous Les Mots François Tant Vieux Que Modernes Et Les Termes De Toutes Les Sciences Et Des Arts… Chez A. Et R. Leers, 1690 <http://books.google.fr/books?id=4iAlACqi88cC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false&gt;.

[14] “Dictionnaires D’autrefois: Public Version.” Analyse Et Traitement Informatique De La Langue Française. Web. 10 Dec. 2011. <http://artflx.uchicago.edu/cgi-bin/dicos/pubdico1look.pl?strippedhw=original&gt;.

[15] Quint, David. Origin and Originality in Renaissance Literature: Versions of the Source.New Haven: Yale Univ. Pr., 1983. Print.

[16] Quint, David. Origin and Originality in Renaissance Literature: Versions of the Source.New Haven: Yale Univ. Pr., 1983. Print.

[17] Klaniczay, Tibor, Eva Kushner, and André Stegmann. L’époque De La Renaissance : 1400-1600. Budapest: Akadémiai Kiadó, 1988.

[18] Quint, David. Origin and Originality in Renaissance Literature: Versions of the Source.New Haven: Yale Univ. Pr., 1983. Print.

[19] Labe, Louise, Françoise Charpentier, and Pernette Du Guillet. Oeuvres Poetiques. Paris: Gallimard, 1983. Print.

[20] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[21] Quint, David. Origin and Originality in Renaissance Literature: Versions of the Source.New Haven: Yale Univ. Pr., 1983. Print.

[22] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[23] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[24] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[25] Franchetti, Anna Lia. L’ombre Discourante De Marie De Gournay. Paris: Champion, 2006.

[26] Gournay, Marie Le Jars de, et al. Les Advis, Ou, Les Presens De La Demoiselle De Gournay : 1641. Amsterdam: Rodopi, 1997.

[27] Montaigne, Michel De, and Alexandre Micha. Essais. Paris: Garnier-Flammarion, 1969. Print.

[28] Montaigne, Michel De, and Alexandre Micha. Essais. Paris: Garnier-Flammarion, 1969. Print.

[29] Ilsley, Marjorie Henry. A Daughter of the Renaissance: Marie Le Jars De Gournay, Her Life and Works. The Hague: Mouton, 1963.

[30] “La Renaissance.” Histoire De La Littérature Française Des Origines à Nos Jours. Web. 12 Dec. 2011. <http://www.la-litterature.com/dsp/dsp_display.asp?NomPage=0_default&gt;.

[31] “Pétrarquisme.” Larousse. Web. 10 Dec. 2011. <http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/p%C3%A9trarquisme/176014&gt;.

[32] Labe, Louise, Françoise Charpentier, and Pernette Du Guillet. Oeuvres Poetiques. Paris: Gallimard, 1983. Print.

[33] Ronsard, Pierre De, and Albert-Marie Schmidt. Les Amours. [Paris]: Gallimard, 1974. Print.

[34] Devincenzo, Giovanna, Marie Le Jars de Gournay, and Giovanni Dotoli. Marie De Gournay : Un Cas Littéraire.Fasano (Brindisi): Schena , 2002.

[35] Ilsley, Marjorie Henry. A Daughter of the Renaissance: Marie Le Jars De Gournay, Her Life and Works. The Hague: Mouton, 1963.

[36] “La Renaissance.” Histoire De La Littérature Française Des Origines à Nos Jours. Web. 12 Dec. 2011. <http://www.la-litterature.com/dsp/dsp_display.asp?NomPage=0_default&gt;.

[37] Ilsley, Marjorie Henry. A Daughter of the Renaissance: Marie Le Jars De Gournay, Her Life and Works. The Hague: Mouton, 1963.